EVA JUSTINE – Otoko Geisha
Top du Top – Roman Coup de coeur
Un homme geisha a-t-il le droit d’être amoureux? Elevé dans une maison des plaisirs, Mikio est un otoko geisha. Rompu aux arts de la sensualité, de l’écriture, du chant et de la conversation, il aspire plus que tout à s’élever dans la société nippone. Entrer au service du seigneur Akana Fujiwara no Akimitsu lui ouvre le chemin vers la reconnaissance. Mais il lui faudra se soumettre à tous ses désirs, même les plus vicieux. Pris au jeu de la soumission, le jeune homme apprendra à aimer et respecter cet étrange maître… jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre de Kaori, le frère jumeau de son seigneur. Troublé au plus profond de son âme, Mikio suivra ses sentiments en un tracé sinueux. Entre l’art de la vie japonaise au XVIIIe siècle, les délices d’un voyage au palais impérial, et les ravages d’un tremblement de terre, il affrontera avec honneur toutes les épreuves mises sur le chemin de son bonheur. Mais sera-t-il capable de décider quel homme emportera son cœur ?
Une véritable pépite de l’homo-romance historique japonaise qui rappelle par certains côtés l’excellentissime « La dernière Concubine » de Catt Ford. On se retrouve plongé en plein cœur d’un Japon post médiéval, celui du XVIIIe siècle, celui des samouraïs, des shoguns et des seigneurs locaux, celui des geishas, un Japon féodal où l’homosexualité était acceptée sans aucun tabou, l’époque notamment du Wakashudō, « la voie des jeunes hommes » et l’époque des Otokos Geishas. L’ouverture des maisons de thé au Japon dans les quartiers de plaisirs au début du XVIIIe siècle marque le début du métier de geisha. Il faut savoir avant tout que les geishas sont le résultat de l’évolution des taikomochis, équivalents au Japon des bouffons du Moyen-Âge en Europe. Ainsi, les premières geishas étaient des hommes, dont le travail était principalement de divertir, par des chants et de la musique, les clients des maisons de thé. Cependant, avec l’arrivée des femmes dans le monde des geishas hommes au milieu du XVIIIe siècle, on distingua les Onnas geishas (femmes geishas) et les Otokos Geishas (hommes geishas) qui disparurent progressivement au début du XIXe siècle au profit des geishas féminines. Ainsi, dans cette homo-romance historique du Japon du XVIIIe siècle, nous avons affaire à Mikio, un jeune Otoko Geisha, au combien attachant, touchant, doux, sensible, toujours tourné vers le bien être des autres, qui se retrouvera au service d’une nouvelle maison pour exercer ses talents et notamment au service du seigneur Akana Fujiwara no Akimitsu, un de seigneurs locaux de la ville de Nara à quelques kilomètres de Kyoto et du siège impérial. La relation particulière qui s’installe entre nos deux protagonistes est centrée autour d’un jeu de domination et de soumission entre un seigneur des plus dominant qui veut apprendre à ce bel androgyne les plaisirs de la soumission et un jeune Otoko geisha qui, élevé dans une maison des plaisirs, se soumettra avec un certain ravissement aux nombreux désirs de son nouveau maître d’autant qu’il rêve d’un amour passionnel et inconditionnel. Cependant, il s’apercevra vite que cette relation, aussi intense soit-elle, ne le comble pas autant qu’il en rêvait d’autant plus que ses sentiments seront mis à rude épreuve avec l’arrivée de Kaori, le frère jumeau de son seigneur, qui lui sera subjugué par ce bel Otoko geisha. Si les deux hommes se ressemblent en tout point physiquement et si étroitement lié également, leur caractère si opposé et si dissemblable apportera à notre jeune Otoko gesiha de nombreux émois et de nombreuses interrogations quant à la voie à suivre vers l’amour. D’un côté, Akana, un seigneur et maître au caractère dominateur, volage et infidèle auprès des femmes mais non dénué de nombreuses attentions et plaisirs en tout genre et d’un autre côté, Kaori, un seigneur doux, attentif qui cherche l’amour et une vie paisible auprès d’un homme qui l’aimera et qu’il pourra aimer. S’ensuivra une compétition entre les deux frères jumeaux à base de duels physiques et de jeu de go pour les beaux yeux de notre bel Otoko geisha… Les trois personnages principaux sont très attachants et les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus tenant une place aussi importante dans l’histoire : Ling, le fidèle serviteur, Sakina, la mère aimante de nos deux seigneurs et même les chiens qui rajoutent tendresse et affection supplémentaire à l’ensemble du récit. Entre trahisons et petits complots, jalousies et frustrations, l’intrigue, très soutenue, nous dévoilera différents rebondissements et péripéties jusqu’à un final inattendu et très émouvant. Il faut souligner l’énorme travail de recherches de l’auteure sur les us et coutumes du Japon de l’époque, l’habillement, les armes et la nourriture, les traditions, les objets, les différents lieux évoqués tout en utilisant un vocabulaire recherché et très imagé, très poétique notamment lors des scènes sensuelles et bien en adéquation avec ce monde du Japon féodal. La plume de l’auteure est très addictive, légère, fluide, sensuelle, et très poétique, les mots s’enchaînent agréablement et les proverbes japonais au début de chaque chapitre rajoutent à l’atmosphère poétique du récit. Au-delà d’une homo-romance historique classique, c’est une véritable ode poétique, romanesque et dépaysante, à la rencontre d’un Japon d’un autre temps et d’autres mœurs et coutumes. Un vrai festival des sens, d’émotions, de couleurs, de costumes, de traditions japonaises et de suspens au service d’une très belle histoire d’amour. Encore une fois, si vous avez aimé ou vous souhaitez retrouver toute la poésie asiatique qui se dégageait de « la Dernière Concubine » de Catt Ford, n’hésitez plus avec Otoko Geisha qui rentre dans le Top du Top en tant que véritable Coup de Cœur des homo-romances historiques.